Mlle Peyton, je suis
désolé, mais je vais devoir vous poser quelques
questions.
Bien sûr ! Pourquoi pas ? Après tout,
ça ne me dérangeait pas tant que ça.
L'Inspecteur Greese était plutôt mignon. Oui, mon
frère était mort la veille et la
première chose à laquelle je pensais
était : C'est dingue à quel point ce mec est sexy
! Vous pouvez me jeter des tomates, vous en avez le droit.
Quels étaient vos rapports avec votre frère ?
Ben, le genre de rapports qu'on a avec son frère : il vous
fait chier, mais vous l'adorez.
Avait-il des ennemis à votre connaissance ?
Il devait en avoir pleins, il était du genre à
trouver les emmerdes.
Que voulez-vous dire par "trouver les emmerdes" ?
Il arnaquait des trafiquants, des trucs dans ce genre et ça
pouvait se retourner contre lui.
Vous êtes la dernière personne qu'il ait
contacté, quel était le contenu du message ?
Il me demandait de le rejoindre à l'ancienne gare, mais
quand je suis arrivée il n'était plus
là.
Avait-il des amis que je pourrais interroger ?
Il avait pas vraiment de copains, sauf peut-être Kevin, mais
il s'entendait bien avec les autres membres de l'équipe de
basket.
Bien, ce sera tout pour le moment. Je vous re-contacterai.
Alors qu'il s'apprêtait à partir, je le retins en
lui demandant ce qui était arrivé à
Wayne, mis à part le fait qu'il avait
été assassiné. La réponse
fut brève : Vous n'avez pas à en savoir plus.
Pour moi, ça voulait dire que c'était trop
horrible pour être dévoilé. Greese
aurait pu me raconter des mensonges, car désormais je
m'imaginais pleins de trucs tous plus bizarres les uns que les autres.
Merci Inspecteur !
Le lycée était anormalement calme ce
jour-là, en particulier lorsque les autres s'apercevaient de
ma présence. Ils n'avaient pas à avoir
pitié de moi, il en était hors de question et je
comptais bien leur prouver que j'étais restée "la
fille bizarre aux cheveux bleus du fond de la classe". Je me dirigeai
d'un pas assuré jusqu'aux vestiaires des joueurs de
l'équipe de basket. J'entrai sans frapper, certains
étaient en train de se changer, ce qui ne m'a pas
déplu il faut l'avouer (Ok, vous pouvez me balancer la bombe
atomique, parce que je bats vraiment tous les records !). Kevin, qui
était certainement le seul véritable ami de
Wayne, s'avança vers moi.
Bon sang Maggie, qu'est-ce que tu fous là ?
Bah ! Je viens te voir gros bêta !
Pensais-je en silence.
Ca n'était pas la première fois que je
débarquais là-bas à l'improviste, mais
d'habitude je venais voir Wayne, pas une bande de chimpanzés
en caleçon. Enfin bref ! Tout ce que je voulais,
c'était l'avis de Kevin afin de faire un reportage sur Wayne
pour mon émission. Normalement, c'était lui qui
m'aidait, mais de là où il était il
n'en était plus vraiment capable, alors je demandais ce
service à son meilleur copain. Celui-ci me fixa un long
moment, semblant penser que j'étais devenue folle.
D'ailleurs, tout le monde devait penser que j'étais folle,
mon frère venait de mourir et je n'avais pas du tout l'air
affectée. Peut-être que je ne l'étais
pas, j'avais encore l'impression qu'il reviendrait bientôt,
qu'il ne m'avait jamais quittée.
Kevin accepta tout de même mon offre, car il
appréciait beaucoup Wayne et il voulait faire cette
vidéo en son honneur. Pour le remercier, je l'accompagnai
jusqu'au bureau du proviseur où l'Inspecteur Greese avait
planté ses quartiers. Lorsqu'il me vit, sa
réaction fut assez mitigée, entre la surprise et
l'agacement, il devait se douter que je ne le lâcherais plus
de toute l'enquête.
Je savais que j'allais vous revoir, Mlle Peyton.
Mlle Peyton ? Il est certainement la seule personne à
m'appeler comme ça. Les autres m'appellent Maggie, sauf Lily
Smith qui avait une dent contre les diminutifs et qui m'appelait
Margaret, il y avait aussi Wayne qui était le seul
à m'appeler Mag. C'est étrange d'entendre
quelqu'un employer Mlle Peyton en parlant de moi.
Greese fit entrer Kevin dans le bureau et me laissa le nez
collé à la porte. Le temps s'écoulait
tout doucement et j'avoue, je m'emmerdais plus que jamais. De plus,
comme nous étions en plein mois de Juin, il faisait
très chaud, j'avais besoin de me rafraîchir. Une
chance, les toilettes n'étaient pas loin. Alors que je me
rinçais le visage à l'eau fraîche, je
me remémorai l'une de ces journées
spéciales entre Wayne et moi :
Ce jour-là, Wayne allait disputer un important match de
basket, si lui et son équipe gagnaient, ils seraient
champions de leur catégorie. Comme souvent, j'avais
débarqué aux vestiaires pour lui souhaiter bonne
chance.
Je suis
venue dire merde à mon jumeau de frangin
préféré.
Il faut dire que tu n'as que moi comme frangin !
Lorsqu'ils s'aperçurent de ma présence, certains
joueurs commencèrent à râler, d'autres
se mirent à siffler. A ceux-là, je leur disais :
T'as jamais vu une fille, pauvre con !?! En
général, ils se mettaient à rire et
moi je me retournais vers mon frère, torse nu, en train de
se changer.
Eh ! T'es pas en train de me mater, là ?
Quoi ? T'es mon
frère, j'ai plus le droit que quiconque de
te mater !
T'es dégueulasse ! Zieute quelqu'un d'autre.
Mes yeux se tournèrent donc vers le premier
garçon à moitié nu que je trouvais.
Pas de chance, se fut Kevin et…
Je t'arrête tout de suite, j'ai
déjà
quelqu'un.
Je fis mine d'être déçu, Kevin
était plutôt bien foutu, mais je
n'étais pas intéressée par lui, ni par
un quelconque autre garçon. J'aimais regarder ces grands
sportifs, mais j'en restais là. Même si certains
pensaient le contraire, je suis une fille et toutes les filles aiment
regarder les beaux mecs.
Et moi mon petit
cœur est déjà pris.
Wayne se tourna vers moi, surpris par ma remarque :
Par qui ?
Je lui lançai un regard noir. Ca n'était pas
vraiment quelque chose dont j'aimais parler et il le savait. De plus,
il était complètement à
côté de la plaque, pour diverses
raisons…
Je souriais en repensant à
cela. Je me rinçai une
nouvelle fois le visage, puis m'essuyai les mains avec un essuie-tout,
lorsqu'une voix résonna dans la pièce…
ou plutôt dans ma tête.
T'as pas cherché au
bon
endroit à la gare,
frangine.
Je me retournai soudainement, mais la
salle était vide.
Cette voix, c'était celle de Wayne, mais malheureusement
elle n'était présente que dans ma tête.
Toutefois, il avait raison, je n'avais pas vraiment regardé
partout à la gare et y retourner me donnerait certainement
des réponses.
Je repartais, presque en courant,
jusqu'au bureau où se
trouvait l'Inspecteur Greese. Il était
déjà dans le couloir, en train de fermer la porte
du bureau.
Vous arrivez à
temps, Mlle
Peyton. Une minute de plus et je
partais sans vous.
Ca voulait dire que j'allais
l'accompagner ? Pas vraiment en fait. Je
fus rapidement déçue. Il ne m'emmenait ni sur les
lieux du crime, ni à la gare. Il ne fit que m'accompagner au
poste de police pour que j'identifie les hommes avec qui Wayne faisait
des affaires. Comme si je les connaissais ! Bon d'accord, j'en avais
repéré un ou deux, mais il n'irait pas bien loin
avec ça.
Il y eu tout de même un point
positif dans cette
journée : Greese me ramena chez moi, je n'avais donc pas
à rentrer à pieds. Dans la voiture, je lui fis
part de mon envie de l'accompagner dans son enquête. Etant en
quelque sorte journaliste, enquêter était l'un de
mes points forts. Il rit, mais ne répondit pas à
ma question. Il n'avait pas dit oui, mais il n'avait pas non plus dit
non ! J'étais assez optimiste quant à la suite
des événements.
Une fois tranquille dans ma chambre, je
me mis à trier les
vidéos qui pourraient me servir à la conception
de mon reportage sur Wayne. C'est à ce moment
précis que je craquai, j'éclatai d'un coup en
sanglots. Une tête passa par l'entrebâillement de
la porte. Ca n'était pas celle de Maman. Que faisait-il
encore ici ? Il n'était pas encore parti ? Greese entra
complètement dans la chambre et sortit de sa poche un paquet
de mouchoirs pour m'en donner un.
Maintenant,
j'espère que vous
comprenez la raison pour
laquelle je ne veux pas que vous m'accompagniez ?
Tout ce que je voulais
c'était trouver le salaud qui avait
buté mon frère, rien de plus.
Je vous promets de ne pas prendre de
place, vous ne me verrez pas.
C'est sur, puisque vous ne
m'accompagnerez pas.
Je séchai les quelques larmes
qui continuaient de couler et
plongeai mon regard encore brillant dans le sien. Non, il n'allait pas
céder, mais moi non plus ! Je trouverais un moyen pour
savoir comment avançait son enquête.
Je tournai ma tête vers
l'écran de mon ordinateur,
attendant que Greese s'en aille. Lorsque mon portable sonna, il
n'était pas encore parti. Je décrochai en
soupirant. C'était Kevin :
Maggie ? J'ai plusieurs
commentaires de
gens du bahut pour ton
reportage.
Je lui répondais, les yeux
rivés sur Greese, qui
ne voulait toujours pas s'en aller.
C'est
bien. Apporte-les moi le plus vite
possible, que je puisse voir
ce qui est potable ou pas.
Je raccrochai, Greese était
toujours là. Que
pouvait-il bien me vouloir à la fin ?
Excusez-moi,
mais, vous attendez quoi au
juste ?
Il sourit, s'excusa et sortit lentement
de la chambre. Cet homme
était étrange tout d'un coup !
Après quelques minutes, je
sortis de la maison pour me
rendre à la gare. Il faisait presque nuit et je
n'étais pas très rassurée, mais il
fallait que je sache. Je courais pour m'y rendre. Il n'y avait plus de
bus à cette heure-ci et je voulais arriver avant les
délinquants.
Je pénétrai,
essoufflée, dans
l'imposant bâtiment. Personne, je soupirai un bref instant,
puis me mis à chercher dans les endroits où je
n'avais pas été la veille.
Plusieurs minutes plus tard, je baissai
les bras, mon intuition m'avait
jouée des tours, il fallait que je parte rapidement, les
délinquants n'allaient pas tarder à venir. Alors
que je me dirigeais vers la sortie, je vis quelque chose briller dans
un coin. Je m'approchai, troublée. C'était une
caméra numérique ! Celle de Wayne ! Je n'y
croyais pas, en plus elle était allumée.
Soudain, j'entendis une voix ferme dans
mon dos.
Je savais que vous me conduiriez vers
quelque chose
d'intéressant, Mlle Peyton.
Je me retournais. Greese ! Il m'avait suivi !