Atlantic City

    A première vue, les couvertures du motel n'avaient pas l'air très confortables. Après coup, je me rendis compte qu'elles l'étaient suffisamment pour me faire dormir pendant plus de vingt-quatre heures. Où peut-être étais-je simplement très très fatiguée…

    Le bruit fracassant d'une porte que l'on défonce me réveilla soudainement. D'abord surprise d'être tirée si brutalement de mon sommeil, puis aveuglée par la lumière extérieur, la seule chose que je pus apercevoir de mon ravisseur fut l'arme qu'il avait entre les mains. Qu'avais-je donc encore fait pour mériter ça ? L'homme rangea son arme dans son fourreau et referma la porte… ou du moins, ce qu'il semblait en rester. Une rage intérieure - et une plus grande surprise encore - monta en moi en reconnaissant l'homme en question.

    Greese !
    Je m'inquiétais juste pour vous
, se défendit-il, légèrement embarrassé.
    Je ne faisais que dormir ! Pas la peine de défoncer la porte !
    Ca fait exactement trente-neuf heures, cinquante-huit minutes et treize… quatorze… quinze secondes que vous dormez, ma belle.


    Le décompte de Greese me remit soudainement sur pieds. Je me levai rapidement et enfilai mon jean de la veille, puisque j’avais dû perdre ma valise en courant dans les rues d’Atlantic City. Me tournant vers Greese, assis dans un coin de la pièce :

    Ca vous dérangerait de ... ? dis-je en lui faisant signe de se retourner.

    Il se sentit plus gêné qu'il ne l'avait jamais été. Détournant les yeux, il se racla bruyamment la gorge. Je laissai échapper un rire discret, il était déjà un peu trop tard pour regarder ailleurs, en fait.
    D'un pas assuré, je me dirigeai jusqu'au semblant de porte d'entrée. Greese n'avait pas bougé d'un pouce.

    Dépêchez-vous ! J'ai faim et je n'ai pas d'argent. Et en plus vous me devez une porte !

    Il se décida enfin à se lever pour sortir. Je n'avais encore jamais vu le motel de jour. La nuit, les ombres m’avaient laissé croire que le motel était bien plus grand. Ce fut seulement le lendemain de mon arrivée que je remarquai à quel point il était, en fin de compte, minuscule. Il devait y avoir, à tout casser, dix chambres dans un bâtiment de plein pied d'à peine cent cinquante mètres carrés.

    Greese me conduisit jusqu’à un snack, un peu plus loin. L’intérieur me surpris légèrement. Pourtant, il était bien connu que la plupart des snacks avaient gardé leur déco des années hippies.
    Nous nous installâmes à l’une des tables roses. Très vite, une serveuse (une trop jolie blonde dont la forte poitrine semblait intéresser Greese) vint prendre notre commande, des gaufres et une tarte aux citrons pour moi. J’avais dormi plus d’une journée et demi, normal d’avoir faim, non ? Greese se contenta d’un sorbet. Une fois la serveuse partie, Greese me fit part des quelques news :

    Saviez-vous que votre frère avait une liaison avec Sofia McKenzie, la petite amie de Kevin Higgins qui, lui, est actuellement introuvable ?
    Maintenant oui.


    Ca ne me surprenait guère. Wayne avait la réputation d’être un grand coureur de jupons. Au début, je n’y avais pas vraiment fait attention, mais Wayne avait tendance à boire un peu trop lorsqu’il allait en boîte (bien qu’il n’ait pas l’âge requis pour acheter de l’alcool). Lorsqu’il rentrait, son discours était souvent le même :

    Mag, je crois que j’ai fait une connerie, tu peux m’aider ?

    Et je l’aidais. Lorsqu’une fille avec qui il avait passé la soirée appelait, je me faisais passer pour la petite amie de mon frère et ça finissait dans un bain de larmes pathétique à souhait.
    Par contre, jamais je n’aurais cru qu’il puisse piquer la copine de son meilleur ami. Pourtant, Dieu sait qu’il était capable de tout.
    L’information encaissée, je fis signe à Greese de continuer dans sa lancée.

    Votre ami, Adam Valente je crois, se porte bien. Il a été admis aux urgences juste à temps.

    Bien. Un souci en moins sur mes épaules.

    Et hum... Il y a autre chose...

    Il hésita, comme gêné de m’apprendre cette autre nouvelle.

    Bah, allez-y, accouchez !

    Il respira un grand coup, puis annonça d’une traite :

    Votre mère est dans le coma. Après votre petite escapade, elle a tenté de mettre fin à ses jours. Overdose de médicaments, je crois...

    Qu’est-ce que j’avais encore fait ? Pourquoi fallait-il toujours que je n’en fasse qu’à ma tête ? Ces derniers jours, je n’avais pensé qu’à mon propre chagrin, sans me soucier de la douleur des autres. Je réalisais désormais à quel point ma mère avait d’avantage souffert que moi dans cette histoire.

    Vous auriez pu avoir plus de tact ! crachai-je à la figure de Greese, rouge de colère (plus contre moi-même que contre lui) et les larmes aux yeux. Larmes que je retenais du mieux que je pouvais.

    La serveuse apporta notre commande. Greese m’avait coupé l’appétit. Je n’avais même plus le courage de manger ma tarte aux citrons. D’ailleurs, j’en étais dégoûtée.
    Je m’excusai auprès de Greese et me précipitai aux toilettes. Une fois mon estomac soulagé, je surpris, laissant mes pleurs couler librement, à prier. Je n’avais jamais vraiment été croyante. Je n’étais allé à l’église qu’à l’occasion de la douzaine de mariages d’oncle Seth et la plupart du temps, je m’endormais sur place. Là, c’était différent. Je sentais les événements me dépasser franchement. J’étais perdue. Jamais je ne m’étais sentie aussi mal. J’avais la vague sensation que je méritais tout ce qui m’arrivait en ce moment. Et peut-être le méritais-je vraiment ! Je n’étais pas un ange ! Des erreurs, j’en avais fait beaucoup. Certaines bien plus graves que d’autres...

    Adossée contre la paroi des toilettes, la tête entre les bras, je laissais une bonne fois pour toute libre court à mes émotions.
   On posa une main sur mon épaule, une pression légère, presque insaisissable. Mon corps se figea, laissant toutefois passer quelques frissons. Je n’osai pas un seul mouvement... Une voix qui m’était familière vint me susurrer quelques mots au creux de l’oreille.

    Tout ne tourne pas toujours autour de toi, Mag. Rien de tout cela n’est ta faute.

    Je relevai la tête. Personne. Je devrais peut-être consulter un médecin, un jour. Sauf que je ne faisais pas vraiment confiance aux médecins. Oncle Seth avait beau en être un, j’avais du mal à les cerner, c’est tout.
    D’un pas mal assuré, je m’avançais jusqu’aux lavabos rose délavé. Mon regard se posa sur ce qui semblait être mon reflet dans un miroir terni par l’âge et fissuré par endroits.

    T’as une sale gueule, ma grande, pensai-je tout haut. Allez ! Reprends-toi !

    J’inspirai un grand coup. Droite, la tête haute. Si on faisait abstraction de mes yeux cernés de rouge, on pouvait dire que j’allais plutôt bien.
    Si nous avions été dans un cartoon tel que les Looney Toons, une enclume me serait tombée sur la tête et un animal quelconque se serait foutu de ma gueule. Sauf que nous n’étions pas dans un dessin animé. La seule chose qui m’arriva en retournant à notre table fut de perdre ma prétendue assurance. Assis à m place, en face de Greese, mon père (le même que j’avais laissé en plan de nombreuses heures auparavant) mangeait ma tarte aux citrons. En m’apercevant, il stoppa net son appétit, s’essuya virilement la bouche et me fit signe de les rejoindre, lui et Greese. Sans le quitter des yeux, je m’installai à côté de Greese en poussant légèrement ce dernier pour me faire de la place.
    Pour combler l’imposant silence qui s’était instauré, Greese expliqua :

    Jeff et moi travaillions ensemble à Philadelphie. Je l’ai appelé le plus tôt possible.
    Pourquoi je n’arrive pas à t’en vouloir ?
demandai-je, consciente de ne pas avoir écouté une seule des paroles de Greese.
    Parce que tu sais que je n’y suis pour rien dans tout ça, répondit l’intéressé en mangeant un morceau de tarte.
    Mais ça n’empêche pas ton absence... Tu avais deux enfants, tu aurais pu te battre.
    On ne se bat pas contre ta mère.
    Au moins tu n’as pas vu le grand échec qu’est ma vie. Je suis un vrai cauchemar, un désastre.
    Elle pourrait être pire. Tu pourrais vivre seule dans un appartement pourri et devenir alcoolique parce que tu te sens terriblement mal-aimée.


    Pas vraiment sûre de comprendre... D’après les regards appuyés que se lançaient les deux hommes, je pensai qu’il parlait de Greese. Il était peut-être préférable de revenir au sujet initial...

    Il n’empêche toujours que tu n’étais pas là.
    Tu comptes rester sur ce détail encore longtemps ?
demanda-t-il. La loi m’interdisait de vous approcher. C’est pas moi qui l’ai décidé. Si j’avais su que ça se terminerait comme ça, j’aurais jamais approché ta mère.

    Il re-piocha un coup dans sa (ma) tarte. Je ne voulais pas trop le titiller, mais ma curiosité l’emporta. J’avais déjà posé la même question à Maman, mais elle s’était contentée de me répondre par une série de grognements. J’aurais aimé savoir comment ils s’étaient rencontrés tous les deux. Je m’étais toujours imaginé un tas d’histoires romantiques où les Sanders refusaient que leur fille sorte avec un flic aux gros bras. Je m’apprêtai à lui poser la question lorsque je me rendis compte que la vérité était peut-être beaucoup moins reluisante. Finalement, je m’abstins de le lui demander, sans compter qu’il était désormais en grande discussion avec Greese sur ce qu’il semblait être une liste de trucs à faire et ne pas faire et dont je ne comprenais pas vraiment le sens.

    J’ai remarqué que tu avais oublié les règles 36 et 37, dit Papa à Greese en terminant la tarte aux citrons.
    Ca impressionne les filles ce genre de truc, répondit l’intéressé.
    Pas dans ce genre de situation, Mister Travolta. Là je dirais que la fille en question est énervée. Et de toute façon elle ne serait jamais sortie avec toi pour diverses raisons que je me passerai de citer.

    Visiblement, l’un semblait très crispé et l’autre très gêné. Je décidai de couper court à cette conversation avant que cela n’aille trop loin. J’avais plusieurs visites à rendre à l’hôpital, autant en profiter pendant que j’avais deux hommes sous la main pour m’y emmener. Papa se proposa avec un enthousiasme que je n’avais encore jamais vu chez personne.

    Ca me fera l’occasion de mieux te connaître, annonça-t-il avec un immense sourire.
    D’accord, arrivai-je à dire, déconcertée.

    Ce n’est qu’une fois arrivée sur le parking du snack que je me mis enfin à partager la même bonne humeur que lui.

    Tu as toujours ton Impala ! J’adore cette voiture !
    A ma mort, j’te la cède, plaisanta-t-il.
    Attention, je pourrais te prendre au mot et vouloir t’assassiner.
    On ne peut achever une montagne telle que moi, assura-t-il.

    Le trajet jusqu’à l’hôpital était plutôt long. Les sujets de discussions furent divers et variés, en évitant dans la limite du possible ceux qui font mal : Maman, les cours, Maman.

    Pourquoi tu es partie en courant l’autre soir ? demanda-t-il, l’air grave.
    J’ai cru voir quelque chose.
    Pour ne pas dire tout simplement que tu as vu un fantôme
, dit une voix à l’arrière de la voiture.

    Je me retournais précipitamment. Je semblais être la seule à le voir. Pourquoi je n’arrêtais pas de voir feu mon frère partout où j’allais ? Ca ne pouvait pas être une hallucination. Il semblait si réel... jusqu’à ce qu’il disparaisse.

    Tu cours vachement vite pour une fille, continua Papa.

    Il parla encore et encore pendant le reste du trajet. Je faisais semblant de l’écouter. A la longue, il finissait par être particulièrement barbant. Un peu honteuse, il n’empêche que je me sentis légèrement soulagée une fois arrivée à l’hôpital.
    Le bâtiment était immense, j’avais du mal à croire que tant de gens puissent être malades. D’un pas tremblant, je me dirigeai jusqu’à l’accueil où une infirmière rose bonbon lisait un magazine people en mâchant du chewing-gum.

    Excusez-moi, je viens voir Alexane Sanders.
    Chambre 451 au quatrième étage
, répondit-elle sans quitter son magazine des yeux.
    Et Adam Valente, s’il vous plaît ?

    En soupirant, elle posa sa feuille de choux et tapa quelques mots sur son ordinateur. Après quelques minutes, elle réussit à trouver le numéro de chambre que je cherchais.

    Chambre 227, deuxième étage, dit-elle en faisant éclater une bulle avec son chewing-gum.

    Aller d’abord au deuxième étage aurait été plus logique, mais comme je pensais y rester plus longtemps, je préférais allez voir Maman en premier.
    Je laissais Papa patienter dans le couloir pendant que je jetais un bref coup d’œil dans la chambre. Blake était là. Pas de chance, comme il allait partir il me vit plutôt rapidement.

    J’allais m’en aller, mais si tu veux... commença-t-il.
    Non, c’est bon.

    Puis, après l’avoir bien regardé de haut en bas :

    Tu t’es fait beau. Ca fait longtemps que je ne t’ai pas vu avec une telle classe.
    J’ai retrouvé du travail, c’est pas grand chose, mais c’est déjà ça. Mon avion part dans trois heures pour Vegas.
    Alors tu ne reviendras pas ?
demandais-je avec, je ne sais pourquoi, une boule au fond de la gorge.
    Non...
    J’ai l’habitude.

    Pourquoi j’avais dit ça ? Il sembla vouloir ajouter quelque chose, mais se ravisa. En sortant de la chambre, il croisa le regard de glace de Papa. Oui, il avait raison de partir. C’était plus sage lorsqu’on savait qu’il avait couché avec l’ex-femme et la fille du grand musclé.
    Une fois qu’il eut disparu au bout du couloir, je me décidai à entrer dans la chambre. C’était étrange à voir et dur à regarder. Je savais déjà qu’elle était dans le coma, mais la voir ainsi, aussi faible... Lentement, je m’assis dans un fauteuil près de son lit. A côté, un couple de personnes âgées regardait la télévision.

    Baisse le son, disait la femme.
    Ca va pas la réveiller, répondait son mari, allongé dans son lit.

    Lassée de toujours lui crier dessus, la femme se concentra sur moi.

    Vous êtes pas bien bavarde.
    Je ne suis pas du genre à parler à ceux qui n’entendent pas
, lui dis-je.
    L’autre, lui, parlait, continua-t-elle.
    Et qu’est-ce qu’il disait ?
    Je ne sais pas, il marmonnait je n’arrivais pas l’entendre à cause de cette télé.


    Le couple se remit à se disputer. Si Maman avait réellement été capable d’entendre, elle se serait très certainement réveillée. Je n’en pouvais plus. Entre les hurlements du couple et le silence de Maman, je crus presque exploser. Je finis par sortir à peine cinq minutes après être entrée.
    Plus rapidement que je ne l’aurais voulu, je me dirigeai jusqu’au quatrième étage, chambre 451. Facile à trouver, il y avait un policier en faction à côté de la porte.

    Veuillez décliner vos identités, dit-il d’une voix rauque.
    Maggie Peyton. Lui c’est mon père, il est armé, mais il ne va pas entrer.

    Le policier regarda longuement Papa d'un air sceptique. Ce dernier fut obligé de sortir son badge, prouvant ainsi qu’il n’était pas un meurtrier, mais un flic bien plus gradé. La salle, bien qu’étant plus calme, semblait plus accueillante. Seul dans le lit du fond, Adam Valente mangeait avec un pincement au nez une compote de fruit. En me voyant, il fit un grand sourire.

    Maggie Peyton à qui je dois la vie, vous êtes toujours aussi belle - et je n’ai plus de fièvre, assura-t-il.
    C’est la morphine qui vous fait cet effet.

    Il eut un petit rire et laissa sa compote de côté. Il me fixa longuement, comme pour voir si je n’étais pas un mirage. Son sourire disparu dès l’instant où j’ouvris de nouveau la bouche :

    Que faisiez-vous dans cette rue ?
    Je me promenais.


    Je n’en croyais pas un mot. Il portait un costume ce soir-là, les gens classes ne se « promènent » pas dans ce genre d’endroit.

    Pour qui travaillez vous ? Pourquoi vous a-t-on tiré dessus ? continuai-je.
    Si vous me permettez, je préférerais parler de ça devant un bon dîner.
    C’est dommage, car tout ce que vous aurez c’est cette compote. Maintenant répondez !


    Comme il ne pipait mot, je fis quelques propositions pour voir sa réaction.

    La mafia ? Stanley Beckett ? Son associer à Vegas, Sam Andrews ?

    Ces derniers noms le firent titiller. Travaillait-il pour Sam Andrews ? Ou était-ce celui qui voulait sa mort ?

    Je suis détective privé, Andrews m’a contacté il y a quelques jours pour que j’enquête sur Beckett.
    Quelqu’un n’a pas été content et a tenté de vous éliminer
, continuai-je à sa place.

    Il acquiesça.

    Comment les connaissez-vous ? demanda-t-il.
    Mon frère et moi avons travaillé pour Beckett.


oO° Flash-back °Oo

    Atlantic City, la ville qui a donné le nom de ses rues au Monopoly original, le Las Vegas de la côte est, avec tous ses casinos. Stanley Beckett était l’heureux propriétaire de l’un d’entre eux. A l’époque où je l’avais rencontré, je ne travaillais pas encore pour la télé. Wayne et moi avions besoin d’argent pour je ne sais trop quelle occasion et avions été embauchés pour faire le ménage dans les couloirs de l’hôtel (comme nous étions mineurs, nous ne pouvions entrer dans le casino en lui-même).
    C’est là que Beckett repéra Wayne. Le patron lui demanda d’abord de faire quelques petites « affaires » pour ne pas dire « trafiques ». Rien de bien dangereux, il devait juste faire des échanges drogues/argent. Ensuite, Wayne eu l’excellente idée de remplacer la drogue par de la camelote, les gens à qui il la vendait étant seulement un intermédiaire avant un véritable consommateur. Wayne proposa l’idée à Beckett, qui accepta. Et grâce à un plan ingénieux, les acheteurs ne se douteraient pas tout de suite de la supercherie.
    Quel plan magnifique ! Sauf que Wayne n’avait pas pensé qu’il serait le bouc émissaire et que ce serait à lui qu’on en voudrait. S’en suivirent de grosses dettes d’argent que Wayne devait payer de sa poche, Beckett ne couvrant jamais « les dégâts ». Le plus surprenant, c’est que la plupart du temps, Wayne parvenait à s’en sortir sans une seule égratignure, à condition que je lui apporte l’argent dont il avait besoin (argent qu’il cachait sous son lit !)
    Un jour, un « client » mécontent de Wayne nous a ligoté sur une chaise et séquestré pendant plusieurs heures. J’avais beau avoir apporté l’argent qu’il réclamait, il ne voulait pas nous relâcher. J’avais un avantage sur mon frère, l’homme n’osait pas frapper une fille...

    Wayne ! Si on s’en sort vivants, je jure de t’achever ! avais-je dit, lorsque l’homme nous avait laissé seul quelques minutes.

    Finalement, il avait finit par nous laisser sortir, parce qu’il en avait marre de m’entendre proliférer des injures contre le monde entier.

oO° Flash-back End °Oo

    Le soir, Papa me ramena jusqu’à la maison. Maintenant qu’elle était vide, je n’avais plus de raison de fuir (et de toute façon, il me fallait des vêtements propres). Néanmoins, le silence qui y régnait était extrêmement pesant. Dire qu’une semaine plus tôt elle devait être la plus bruyante du quartier !
    Par souci de gentillesse, Papa proposa de rester dormir cette nuit.

    Juste au cas où, argumenta-t-il.
    Non, ça ira. Merci, mais comprends-moi, tu es toujours un étranger pour moi.

    Il ne répondit pas. Il se contenta de me regarder longuement avant de partir.
    Après quelques minutes à être restée sans bouger, je me dirigeai lentement jusqu’à la cuisine pour me faire réchauffer des pâtes. Mon attention se porta alors sur une lettre posée sur la table. Je pris d’abord l’enveloppe abandonnée à côté. Phœnix, Arizona ? Qui pouvait bien écrire de si loin ? D’après le logo, ça semblait être une lettre officielle du gouvernement, ou quelque chose du même genre. Sans plus attendre, je lus la lettre. Pas étonnant que Maman ait voulu mettre fin à ses jours. Le corps de Wayne avait été retrouvé... mais pourquoi à Phoenix, en Arizona ??

© Jeannie