Sleeping With Ghosts

Assise devant la télévision, un pot de Nutella dans une main, une petite cuillère dans l’autre, je tentais vainement de penser à autre chose que cette lettre envoyée depuis Phoenix, Arizona. Bon sang, mais comment Wayne avait-il pu se retrouver à près de quatre mille kilomètres de chez nous ? D’après Google il fallait plus d’une journée pour se rendre à Phoenix en voiture depuis Atlantic City, or j’étais certaine d’avoir vu Wayne dans la journée, peu avant que Greese ne vienne annoncer son décès. Sans oublier le rendez-vous à l’ancienne gare qu’il avait laissé sur le répondeur. D’après moi, il était évident que son corps avait été déplacé post-mortem.
Greese était-il au courant ?? Bien sûr qu’il devait l’être, après tout c’était son enquête ! Et ce pourri ne m’avait rien dit !
Passablement énervée, j’attrapai le téléphone posé sur la table de salon et composai le numéro de l’inspecteur que j’avais fini par apprendre par coeur à cause de la réceptionniste qui s’était plainte d’une enquiquineuse qui appelait toutes les cinq minutes le 911 pour parler à un policier qui n’était même pas à son bureau. Pas moi. Pas ma faute. Mais parait-il que j’avais la même voix que son ex-copine, apparemment très emmerdante.
Le téléphone sonna dans le vide pendant quelques secondes, puis une mélodie tonitruante se fit entendre à l’extérieur de la maison. En très peu de temps, alors que toutes les maisons aux alentours commençaient à s’allumer, Greese décrocha son téléphone. Lorsqu’il prononça un faible « Allô ! », la musique s’était déjà tue.

C’est pas vrai ! J’arrive pas à le croire ! hurlai-je en regardant par la fenêtre, si bien que les quelques personnes sorties sur leurs perrons se tournèrent vers la maison.

Sans prendre le temps d’enfiler une robe de chambre, j’ouvris la porte et me précipitai jusqu’à la voiture garée en face de la rue. Certaines personnes commencèrent à s’énerver. Je dus leur promettre que ça ne se reproduirait plus, bien qu’il ne s’agisse pas de mon téléphone. Un homme était resté à l’entrée de sa maison, louchant dangereusement de ses deux yeux globuleux sur ma petite nuisette :

Tu veux venir voir de plus près, peut-être ? Tu sais, ce mec à un flingue ! ajoutai-je en désignant Greese, qui se faisait le plus petit possible.

L’homme finit par rentrer chez lui alors que j’ouvrais sagement la portière de la voiture pour m’asseoir aux côtés de Greese. Un silence gênant s’installa pendant lequel Greese regarda de tous côtés en se triturant les mains, cherchant vainement une échappatoire. Comme il ne semblait pas décidé à m’expliquer ce qu’il faisait campé devant ma porte, je le lui demandai d’une façon plus ou moins douce...

J’aimerais savoir ce que vous faites ici, à deux heures et demi du matin !
Ah oui ? Et moi j’aimerais bien savoir pourquoi vous m’appelez à deux heures et demi du matin
, dit-il, en évitant soigneusement de me regarder.
Sûrement pas pour réveiller tout le quartier, ajoutai-je, irritée.

Il se tut, ne voulant vraisemblablement pas répondre à ma question. J’insistai. Rien à faire. Il ne voulait pas me dire pourquoi il me surveillait. On peut bien parler de surveillance, non ? Il était campé juste devant chez moi et je ne pense pas que ce fut pour faire pot de fleur. J’espérais néanmoins que Greese ne soit pas le genre de pervers que l’on voit le plus souvent à la TV dans America’s Most Wanted...
Je n’arrivai toujours pas à ferme l’oeil. A chaque fois que je regardais par l’une des fenêtres, j’apercevais Greese, toujours planté dans sa voiture. Pendant un bref instant, j’hésitai à appeler le 911, avant de me rappeler soudainement que Greese était - un boulet, certes, mais surtout - un flic.

Le lendemain matin, la voiture de Greese était toujours garée devant la maison. Il s’était certainement endormi. Pas question que j’aille le voir, même pour le réveiller brutalement.
Comme si de rien n’était, je me préparai un petit déjeuné assez copieux, finissant le pot de Nutella au passage. Après avoir rapidement enfilé quelques vêtements dépareillés, j’appelai un taxi. Après ma petite conversation avec Adam Valente, j’avais fini par décider de rendre visite au grand Stanley Beckett à son casino.
Une fois à bord du véhicule jaune, j’observai attentivement la réaction de Greese. Il ne démarra pas sa voiture, ne me suivit pas. Il dormait peut-être vraiment, en fin de compte.
De nuit, un casino pouvait paraître impressionnant, magnifique, avec toutes ces lumières et ces couleurs. On en oubliait parfois que la journée, ce n’était qu’un immeuble comme il y en avait beaucoup d’autres en ville. Je pénétrai rapidement dans celui appartenant à Beckett, le portier me retint, refusant de me laisser entrer...

... dans cette tenue !

J’insistai tellement qu’il finit par aller demander directement à son supérieur, une sorte de chef des portiers, si une certaine Maggie Peyton était admise à l’intérieur. Il refusa. Lorsque le jeune homme revint, je l’obligeai à aller voir Beckett en personne pour le lui demander. Effrayé à l’idée d’affronter lui-même le grand patron, il me laissa entrer en me faisant promettre de ne pas le faire renvoyer.
Allez jusqu’au bureau de Beckett était plus facile que je ne l’avais imaginé. Le portier avait été le seul à vouloir m’empêcher d’entrer. Je soupçonnais Beckett de suivre ma progression via les nombreuses caméras de surveillance. Soupçon qui fut confirmé à mon entrée dans l’imposant bureau de l’homme d’affaire...

Margaret Peyton, je ne vous attendais pas si tôt, dit-il de sa voix rauque.
Que savez-vous sur la mort de mon frère ? demandai-je de but en blanc.
Rien de plus que ce que vous savez déjà, ça fait pas mal de temps qu’il ne travaillait plus pour moi...
Alors vous avez décidé de le faire tuer pour qu’il ne parle pas de votre petit business !
Si c’était le cas, vous seriez morte, vous aussi
, annonça-t-il, très calme.

Là, il marquait un point.
Comme je ne répondis pas à sa remarque, il continua dans sa lancée :

Vous devriez plutôt vous demander si cette mort n’a pas un rapport avec ce qui est arrivé à Philadephie.
Vous ne savez rien sur Philly !
hurlai-je.
Après tout ce n’était qu’un pauvre petit sans abri, qui s’en serait soucié ?

Je me levai précipitamment, avec cette envie de poser mes mains autour de son cou et de le serrer fort... si fort... Mais étant une jeune fille bien élevée, je me contentai de lui assener une grande gifle, lui faisant indirectement comprendre que je pourrais faire pire. Bien pire. Il ne paru pas effrayé le moins du monde, si bien qu’un sourire se dessina sur ses lèvres et qu’il laissa sortir un petit gloussement. Moi, en revanche, j’avais peur, même très peur... Non, c’était impossible, il ne pouvait pas savoir ce qui était arrivé à Philladelphie, personne ne pouvait... Personne !

Rentrez chez vous, Peyton. Reposez-vous et laissez tomber toute cette histoire.


Le nouvel an à Philadelphie... Qui avait eu cette idée stupide, déjà ? Ca devait sûrement être moi. Qu’est-ce que je le regrettais désormais ! Je regrettais beaucoup de choses, mais Beckett devait avoir raison, cette soirée avait tout changé. C’était peut-être ce soir-là que j’avais cessé de croire en un monde meilleur et aux contes de fées. De toute façon, les fins ne sont jamais heureuses pour tout le monde.


oO° Flashback °Oo

Wayne avait cette obsession étrange de vouloir passer le nouvel an hors d’Atlantic City, mais Maman avait toujours refusé. Comme elle ne serait pas à la maison pendant la période des fêtes cette année, Wayne avait sorti une vieille carte des Etats-Unis du placard, l’avait étalée sur la grande table de salle à manger et m’avait dit :

Choisis une ville, frangine !

Mon doigt avait lentement parcouru les divers chemins de l’est du pays avant de s’arrêter doucement sur Philadelphie. Cette ville était l’une des plus proche, en cas de problème nous pouvions rentrer rapidement et, comme elle était dans un autre Etat, Wayne serait suffisamment dépaysé. Il approuva et rangea la carte, plus excité qu’une puce sur le dos d’un chat errant.

Prépare ta valise, on y va !
Maintenant ?
avais-je tiqué.

Alors qu’une unique soirée m’avait enchantée, l’idée de passer une semaine dans un motel aux côtés d’une « Holly Bible » et d’une « TV Color » était beaucoup moins réjouissante. Et... la semaine se résuma beaucoup à ça : « TV Color » et « Holly Bible » quand la télé lâchait. Nous sortions néanmoins de temps à autre pour changer d’air (j’ai retiré quelques mots pour que ça sonne mieux ! :P) ou, comme Wayne aimait dire, admirer le paysage. Tu parles ! Une ville reste une ville, peu importe qu’elle soit dans le New Jersey ou en Pennsylvanie ! Mais autant avouer que certaines curiosités de Philly étaient charmantes à voir...
Wayne se surpassa plus particulièrement le soir-même du réveillon. Pour cette grande occasion qu’était le passage à l’an 2007, année de notre future majorité, Wayne avait réservé une table dans un restaurant chic français dont j’avais rapidement oublié le nom. Je préférais ne pas penser à la manière dont il avait trouvé l’argent permettant tout cela, me contentant d’imaginer que Wayne finirait bien par devenir un honnête homme un jour ou l’autre.
La soirée se déroula d’abord sans encombre, les français étant réputés pour leur bonne cuisine. Elle aurait pu être la meilleure depuis longtemps sans ce malheureux accident...
Alors que Wayne et moi rentrions au motel après le compte à rebours nous faisant passer au premier janvier 2007, un sans-abri nous accosta près d’une ruelle sombre, prétextant quelques bonnes résolutions de notre part pour mendier quelques dollars. Toujours très euphorique, Wayne confia au S.D.F un billet de dix dollars. Soit cela ne sembla pas lui suffire, soit son but était tout autre. Il frappa Wayne au visage, l’assommant en un coup. Je n’avais encore jamais éprouvé une telle peur. A côté, certaines dangerosités « Made In Wayne’s World » passaient pour un week-end au bord de la mer.
Le mendiant sortit alors rapidement son instrument de torture et commençait déjà à l’aiguiser, lorsque Wayne se releva péniblement pour l’égorger grâce à un petit couteau suisse qu’il gardait dans sa poche depuis qu’il exerçait ce qu’il appelait « un métier dangereux ».
Encore sous le choc, je n’osais bouger. Wayne, quant à lui, essayait tant bien que mal de cacher le cadavre sous quelques sacs poubelle. Lorsqu’il eut terminé, il m’agrippa fermement le bras et me traîna jusqu’au motel. Wayne s’arrêta un instant devant un bar. Il réfléchit quelques secondes, puis m’entraîna nerveusement à l’intérieur.


Un mal de tête intense me réveilla le lendemain matin. Quand mes yeux s’habituèrent à la lumière, je pus voir la chambre du motel. Elle semblait dévastée par un ouragan tellement tout était sans dessus dessous. Avec tout de même une certaine difficulté visuelle, je parvins à voir Wayne, assis près de la fenêtre, contemplant le paysage urbain.

Qu’est-ce qu'il s’est passé ? demandai-je faiblement.

Il se retourna lentement vers moi, me contempla longuement, les yeux remplis de regret. Puis, avec hésitation, il répondit :

Rien... On était juste un peu trop bourrés.

On ne reparla plus de cette soirée. Maman ne sut jamais rien de notre petite escapade et durant les mois qui suivirent, Wayne et moi nous fréquentions moins qu’auparavant. Nous ne nous occupions plus l’un de l’autre, chacun menant sa vie comme bon lui semblait.
Le problème avec Wayne, c’est qu’il était incapable de se sortir seul de ses embrouilles et me demandaient encore souvent de lui apporter l’argent dont il avait besoin.

oO° Flashback End °Oo

Bouleversée par mon échange avec Stanley Beckett et ses révélations, je décidai de rendre visite une nouvelle fois à Maman, bien que la vue de son corps inerte me soit profondément choquante.
A mon arrivée à l’hôpital, je fus rapidement abordée par un jeune médecin peu expérimenté. Il hésita un long moment, ce qui eu le don de m’irriter tellement mon inquiétude grandissait.

Votre mère s’est réveillée...
Pourquoi ne m’avez-vous pas prévenue ?
demandai-je, troublée.
Nous avons appelé chez vous, mais vous n’y étiez pas... C’est un miracle qu’elle se soit réveillée si vite. Néanmoins, ne vous emballez pas, son cerveau est gravement atteint... Elle pourrait ne pas vous reconnaître...

Après un court instant, il se décida à prononcer ce typique « Je suis désolé » de médecin annonçant une mauvaise nouvelle. Puis, il me laissa seule dans les couloirs glauques de l’hôpital.

Je déteste ça, dit une voix masculine, derrière moi. Quand un médecin dit qu’il est désolé alors qu’il ne le pense pas vraiment.

Je me retournai doucement pour savoir à qui j’avais affaires. L’homme qui se trouva alors face à moi portait un vieux costume gris et souriait faiblement. Sa vue m’apaisa un instant.

Oncle Seth !

Il s’approcha de moi et me prit dans ses bras. Nous restâmes ainsi un long moment. Enfin un visage familier et avenant. J’en avais bien besoin après tout ce qui était arrivé ces derniers jours.

Comment te sens-tu, ma petite marguerite ? se soucia-t-il.
J’ai été mieux, mais je commence à me relever.
Ca me fait plaisir de t’entendre dire ça.
C’est Maman la raison de ta venue ?


Il acquiesça d’un signe de tête. Bien sûr. Que ferait-il là sinon ? Il s’agissait tout de même de sa soeur, j’en aurais fait autant pour Wayne... s’il n’avait pas été tué par un dangereux psychopathe... Oncle Seth me conta alors ses projets en ce qui concernait Maman. Il avait prévu de la ramener au Nevada, dans la demeure familiale des Sanders. Elle n’aimait pas vraiment cette maison, mais elle y serait bien entourée, au milieu de ses frères et ses soeurs.

Ils ne vont pas s’y opposer. Je suis médecin, après tout ! annonça-t-il d’un air victorieux.

Pendant qu’il remplissait les papiers nécessaires à la demande de transfert de Maman, je montai au quatrième étage pour rendre visite à Maman, bien qu’on me le déconseilla, Maman ne voulant voir personne.
Le vieil homme avait dû changer de chambre à son réveil, car je ne le vis pas. Maman était seule dans la chambre, fixant un point invisible sur le mur qui lui faisait face. Je m’approchai doucement d’elle. Elle ne semblait pas me voir tellement elle était absorbée dans la contemplation de ce point. Mon erreur fut certainement de lui prendre la main pour lui faire sentir ma présence. Lorsqu’elle me vit, ses yeux s’écarquillèrent dangereusement. Elle se mit alors à crier en se débattant. Trois infirmières vinrent la dégager. Elles la calèrent sur l’un des lits et lui injectèrent une forte dose de tranquillisants. Maman se calma alors doucement avant s’endormir profondément. L’une des infirmières attacha ses membres à l’aide de sangles pendant qu’une autre s’approchait de moi.

Vous êtes sa fille ? me demanda-t-elle. Puis, avant même que je ne lui réponde, elle ajouta : Nous ne pensions pas qu’elle réagirait ainsi, elle était plutôt calme jusque-là.

Sans dire un mot, je sortis de la pièce. Je m’enfermai rapidement dans l’un des ascenseurs. Je voulais rentrer le plus rapidement possible à la maison, m’enfoncer au plus profond de mes couvertures et rêver de belles choses. Etait-ce trop demander ? Il semblait que ce soit le cas. Les lumières s’éteignirent, l’ascenseur s’arrêta. Instinctivement, j’appuyai sur tous les boutons que je trouvai. Il ne se passa rien. Aucune alarme ne se déclencha, aucune voix ne retentit dans le mètre carré dans lequel je me trouvais. La journée ne pouvait pas être pire, pensai-je à ce moment-là.
Dans l’ombre, j’aperçus le visage de Wayne. Il souriait. Il leva l’un de ses bras et désigna le plafond du doigt. Je levai machinalement la tête. Il faisait trop sombre pour y voir quelque chose, mais je sentis un liquide visqueux tomber sur mon visage. Deux petites voix se mirent à se battre dans mon esprit, celle de la raison m’ordonnait d’attendre que des secours arrivent, tandis que l’autre voulait que j’aille voir ce qu’il y avait là-haut. Ma curiosité l’emporta et je me surpris à ouvrir le plafond de l’ascenseur.
En me cramponnant tant bien que mal au rebord du passage que je venais d’ouvrir, je parvins à toucher quelque chose. On aurait dit une pile de linges sales très poisseux. Une odeur infecte pénétra dans mes narines. Un mélange de fromage de viande avariée, sembla-t-il.
Les lumières se rallumèrent soudainement et l’ascenseur se remit en marche brutalement. Je néanmoins apercevoir la forme inerte qui se trouvait au dessus de la machine avant qu’une forte secousse ne m’éjecte dans un coin. Je n’étais pas certaine de ce que j’avais pu voir là-haut jusqu’à ce que mon regard ne se pose sur l’image que reflétait la paroi de métal en face de moi. La chose gluante recouvrait mon visage et mon bras droit de sa couleur rougeoyante. Mon dernier repas se retrouva brutalement projeté au beau milieu du petit espace alors que les portes s’ouvraient en laissant échapper une courte mélodie.
Tout semblait étrangement calme dans le couloir. En m’appuyant sur l’un des murs, j’avançai au travers du corridor bourré de malades et de médecins débordés. Certains ne me remarquèrent même pas, d’autres me regardèrent passer béatement et quelques infirmières me prirent pour une patiente perdue dans l’immensité de cet hôpital.
On m’attrapa par le bras. En me retournant, j’aperçus deux paires d’yeux braquées sur moi, deux hommes qui me dévisageaient d’un air sceptique. Le plus petit, qui me tenait toujours fermement le bras, paraissait extrêmement sûr de lui et une lueur de violence passa dans son regard. Qu’avais-je fait pour mériter tout cela ? me demandai-je en tentant de dégager mon bras, sans succès. L’autre homme, un grand noir, se présenta :

Agent spécial Samuels du FBI, et voici l’agent Maxwell.

Je ne fus qu’à moitié rassurée, l’agent Maxwell ne voulant toujours pas lâcher prise.

Etes-vous Margaret Peyton ? demanda le grand noir.

J’acquiesçai d’un signe de tête, mais l’autre ne me lâcha pas pour autant.

Voulez-vous bien nous suivre ? Nous avons juste quelques questions au sujet de votre frère, rien de plus, continua Samuels.

J’acquiesçai de nouveau. De toute façon, je n’avais pas vraiment le choix quand on voyait la force avec laquelle on m’écrasait le bras.


Les fédéraux avaient donc repris l’affaire. C’était peut-être cela qui clochait chez Greese. Il avait certainement dû en être tellement choqué que ça l’avait rendu fou !
Les deux agents ne me conduisirent pas dans les locaux du F.B.I, mais simplement dans un endroit plus calme de l’hôpital, une chambre vide en l’occurrence. L’agent Maxwell me lâcha enfin et alla chercher du papier W.C pour que je puisse m’essuyer le visage.

Dites-moi, que vous est-il arrivé ? demanda Samuels.
Je... il... macchabée au dessus de l’ascenseur, arrivai-je à prononcer.

En un regard, il incita son coéquipier à vérifier mon histoire. Il m’expliqua alors le pourquoi de sa visite.

Nous sommes de Phoenix, Arizona. Nous avons repris l’enquête de l’Inspecteur Greese suite à l’identification du corps de votre frère. J’aimerais vous poser quelques questions à ce sujet.
Tout est déjà dans la déposition que j’ai faite il y a à peine une semaine.
Nous avons de nouvelles informations et, par conséquent, de nouvelles questions,
dit-il calmement.
Très bien, allez-y.
Vous avez dit dans votre déposition que votre frère vous avait laissé un message quelques heures avant que l’Inspecteur Greese ne vous annonce son décès. Est-ce exact ?
Oui
, affirmai-je.
Or, le corps de votre frère a été retrouvé à Phoenix quelques temps avant tout cela. Il a fallu pas mal de jours avant qu’on puisse vraiment l’identifier.

Hein ?!?!

Etes-vous sûr que ce message n’était pas antérieur à ce jour-là ? continua Samuels.
Je... heu... je ne sais plus.
Et le message s’est effacé automatiquement, c’est bien cela ?
Oui...


L’agent Samuels prit quelques notes sur un calepin tout en faisant des « hum... hum... hum... » de scepticisme.

Aviez-vous des rapports sexuels avec votre frère ? demanda-il de but en blanc.
Pardon ?! m’emportai-je.
Couchiez-vous avec votre frère ?
Non !!
Le baisiez-vous ?
insista-t-il.
Arrêtez !!
Faisiez-vous quelques galipettes ensemble ?
s’emporta-t-il.
Je vous en prie... arrêtez...
Répondez-moi, franchement.
Oui !!!
finis-je par lui dire.

L’homme retrouva alors son calme et un énorme sourire se dessina sur son visage. Comme si de rien n’était, il me laissa partir en déambulant sans vraiment savoir où j’allais


La voiture de Greese était toujours garée devant la maison lorsque je me décidai à y retourner. Il semblait ne pas avoir bougé de toute la journée. Si il me surveillait vraiment, pourquoi ne m’avait-il pas suivie ? Il y avait quelque chose de vraiment étrange dans son comportement. Bien que cela m’intriguât fortement, je n’y prêtai pas attention et me contentai de rentrer pour prendre une douche afin de retirer cette chose crasseuse qui recouvrait ma peau et, par la même occasion, me calmer des choses affreuses qui m’étaient arrivées ces derniers temps. Le sang séché partit difficilement, même après avoir frotté pendant près d’une demi-heure, il restait toujours une belle trace rougeâtre sur mon bras.
En retournant dans le salon, je fus surprise par l’étrange présence d’une silhouette sur le canapé dans le salon. J’attrapai le premier objet qui me passa sous la main, une vieille peluche qui servait à recouvrir une tâche de café sur l’un des meubles. Huuum... Pas vraiment des plus utiles...
La forme finit par se retourner. Je reconnus péniblement Greese en raison de la souffrance inhabituelle qui l’accompagnait. En m’approchant, je parvins à distinguer son visage rongé par la douleur...

Vous avez pleuré ? arrivai-je à murmurer.

Il se leva doucement et s’approcha de moi. Son regard me glaça le sang. Il s’était tellement avancé que je pouvais désormais sentir l’odeur d’alcool dans son haleine. La peur qu’il soit un psychopathe envahit de nouveau mon esprit. J’aurais aimé m’enfuir le plus loin possible, mais quelque chose en moi m’en empêcha.

Qu’est-ce vous voulez ? demandai-je entre deux tremblements.

Il se rapprocha un peu plus, si bien que je dus fermer les yeux pour ne pas voir son regard de braises de trop près. Ce qui suivit fut très étrange... Je sentis son visage frôler le mien, une larme coula sur ma joue. Venait-elle de moi ou de lui ? J’aurais aimé pouvoir attraper l’arme qu’il portait à sa ceinture, au moins pour l’effrayer et le faire partir, mais mes membres refusaient toujours de bouger.
Greese s’écarta légèrement. Il colla ses lèvres près de mon oreille et murmura, presque imperceptiblement :

C’est terminé, Mademoiselle Peyton.

J’ignorais de quoi il parlait. J’avais du mal à comprendre. J’essayai de le lui dire, mais il ne semblait pas m’écouter. Il pleura un long moment sur mon épaule et...

... !?

Une douleur étrange s’empara de moi. Une chaleur dans le ventre. Puis le froid m’envahit. Le noir... Un vide total... Plus rien...

© Jeannie